Le silence, une ode au nouveau luxe du bien-être
N’est-ce pas un peu paradoxal, cette histoire de bruit dans notre vie ? Pendant la période du confinement, le silence était devenu une sorte d’oppression qui symbolisait l’arrêt de tout. Pourtant, depuis que notre quotidien a repris ses habitudes, nous nous rendons compte à nouveau comment l’absence du bruit peut être essentielle à notre bien-être.
Je n’ai jamais été une personne introvertie et pourtant, j’ai souvent besoin de me retrouver seule. J’aime la ville plus que tout. Me sentir l’élément d’un grand ensemble où le courant de la vie me fait vibrer. Mais le refuge à la verdure, au calme m’est devenu indispensable.
“S’abstraire du monde ne veut pas dire tourner le dos à ce qui nous entoure, au contraire : c’est voir le monde avec davantage d’acuité, garder le cap et apprécier la vie” - m’a appris le récit “Quelques grammes de silence” de l’explorateur norgvégien Erling Kagge.
Le bruit est devenu un élément constamment présent dans le quotidien des citadins : De la musique à fond dans les magasins, les gens dans le métro qui hurlent dans leurs téléphones (depuis quand a-t-on pris l’habitude de mettre le haut-parleur en public ?), les collègues qui s’agitent dans l'open space juste à côté de votre bureau et pourtant vous portez déjà votre casque anti-bruit. Anti-bruit, vous voyez ce que je veux dire ?
L’accumulation de toutes ces ondes sonores qui se superposent dans notre appareil auditif induit que le silence devient une sensation étrange. Comme le dit Kagge dans son récit : “Il est plus facile d’apprécier le silence que le bruit.”
Je n’ai jamais compris mes camarades de classe qui faisaient leurs devoirs en écoutant de la musique ou mes collaborateurs utilisant leur casque pour se distraire du bruit avec un autre bruit (même si j’ai du mal à définir la musique par ce terme). Avoir des idées claires, me concentrer pour être plus efficace au travail, pouvoir prendre des décisions, mieux comprendre ce dont j’ai besoin nécessite le silence. À d’autres, il peut faire peur. Peur de se confronter avec ses propres préoccupations et d’entendre les choses qu’on n’a pas envie d’entendre. Parce que le silence crée de la place pour des pensées noyées souvent dans le courant du bruit qui nous entoure.
La plupart des gens me semblent en paix avec le bruit, tellement il est devenu une normalité. Vraiment ?
À chacun son propre silence, comme à chacun son propre rythme de sommeil ? Il m’est difficile de croire que tout le monde s’est complètement adapté à ce qui peut nous troubler profondément et qui, comme l’évoque Kagge “réduit notre qualité de vie”.
Alors, comment trouver le calme pour son bien-être ?
Je ne vous apprends rien de nouveau, si je vous dis que le silence est à chercher en soi et nulle part ailleurs. Pour moi, ce silence en soi représente le graal du bien-être. N’être dérangé par personne ni par rien. Laisser ce monde sans dessus dessous, agité et bruyant tout en étant capable de garder son calme à l'intérieur. Oui, moi non plus, je ne suis pas le Dalaï Lama pour arriver facilement à cet état-là. Néanmoins, il me semble que notre bien-être se contente déjà de quelques petites astuces pour atteindre d’autres niveaux de silence que le calme absolu.
Chercher le silence dans son quotidien
Il y a quelque temps, j’ai pris conscience que le silence se présentait à moi tout simplement dans le quotidien. Depuis, je le cherche plus activement. Pas besoin de partir en Inde, ni au Pôle Nord, ni de se mettre dans une pièce insonorisée (l’auteur cité plus haut confirme que même là bas le silence absolu n’existe pas quand on entend son sang couler dans ses veines - un bruit insupportable).
Ces paroles vous sonnent peut-être un peu ésotériques, mais le calme se retrouve pour moi dans les petites choses.
Être debout avant tout le monde
Depuis mon enfance, je suis une lève-tôt (ce qui désespérait ma mère quand mon père et moi rigolions déjà de bonne heure). Le petit matin est pour moi l’incarnation du silence. Même dans le 20ème arrondissement de Paris où je vivais, se lever un samedi matin et être une des premières à la boulangerie était d’une pure magie pour les oreilles. Parfois je préfère dormir un peu plus longtemps, mais si je veux démarrer ma journée avec beaucoup de calme, je programme mon réveil avant que les autres (ma fille ! ) se lèvent. Avec mon bol de café, je profite de ce moment zen (et parfois un des seuls) de la journée…
Marcher seule
Certes, c’est une chance de pouvoir faire une petite balade pendant sa journée de travail. Tout dépend effectivement du lieu où l’on habite, mais le télétravail m’a permis de sortir marcher au bord d’un petit canal pendant la pause déjeuner. Malgré les déjeuners entre collègues que j'adorais, rien ne pouvait m’empêcher de décliner l’invitation à la pizzeria plusieurs fois par semaine pour avoir un peu de calme, bouger et reposer mon cerveau. Un jambon-beurre accompagnait simplement mon moment de silence.
Aujourd’hui, ayant plus de silence dans mon bureau installé à la maison, mes balades sont souvent sonorisées par un podcast ou de la musique, mais rien ne me donne davantage de nouvelles idées que le silence.
Laisser s’évader ses pensées
Connaissez-vous ces personnes qui parlent trop, sans fin ? Je prends ici le risque de me démasquer : quand quelqu’un raconte sa vie sans pause et que suivre cette overdose d'informations devient fatiguant pour mon cerveau, j’arrête de l’écouter et je laisse mes pensées prendre le chemin de la liberté. Ces minutes (et pardon, je sais que ce n’est pas très respectueux) se transforment ainsi en un petit moment de calme où j’arrive à laisser certaines personnes vider leur sac sans me laisser envahir par tout leur récit.
Passer une nuit à la campagne
En tant que citadine, on ne s'en rend presque plus compte. Le bruit de fond provenant des voitures - même au loin - est plus présent que l’on pense. Je me suis aperçue du silence quand j’ai passé une nuit chez de la famille, au fond de la campagne. Ouvrir la fenêtre le matin et juste laisser entrer de l’air frais me paraissait tellement reposant et luxueux. C’est ainsi que j’ai finalement commencé à apprécier de temps en temps la campagne, avec son ennui et sa solitude salutaires.
Au final, le silence est partout !
Erling Kagge clame “qu'il s’agit d’atteindre l’intérieur de ce que tu es en train de faire. De laisser ses sens ouverts et son esprit au repos, autant que faire se peut. De prendre la pleine mesure de l’instant. De ne pas se laisser envahir par d’autres personnes ou d’autres choses. De s’abstraire du monde et de créer du silence à soi quand on court, fait la cuisine, fait l’amour, étudie, discute, travaille, trouve une nouvelle idée, lit ou danse.”
Je n’ai pas pris ces conseils comme un énième challenge d’amélioration de son bien-être tels que “installer sa routine du matin” ou “en finir avec le syndrome de l’imposteur”. Non, le silence est pour moi un luxe naturellement présent et fondamental que nous avons oublié avec le temps et qui mérite de refaire surface.
*Kagge, Erling. “Quelques grammes de silence. Résistez aux bruits du monde ! Flammarion, 2017.