La parentalité multiculturelle : Les premiers pas d’une mère entre deux pays.
Depuis le film ‘L’Auberge Espagnole’ de Cédric Klapisch, les couples bi-nationaux se sont multipliés comme des petits pains. Un étudiant Erasmus sur quatre a rencontré l’amour à l’étranger et grâce à ce programme européen un million de bébés ont vu le jour depuis 1987. Selon l’INED, un mariage sur sept célébré en France est un mariage mixte (soit une personne de nationalité française qui épouse une personne de nationalité étrangère)…
Moi aussi, je représente une de ces personnes étrangères que mon mari a épousé.
Le film cité plus haut, je l’ai vu en 2007. Ma professeure de français de l’époque (dont je ne garde pas un souvenir extraordinaire) m’a pourtant ouvert un univers déterminant pour ma vie. Après avoir été plongée dans les aventures du jeune Xavier à Barcelone, je m’étais jurée d’aller faire des études et de partir en France (et de découvrir tous les films de Cédric Klapisch !). On peut dire que j’ai bien profité du programme Erasmus (et Erasmus +, et Erasmus stage etc.). Après chaque retour en Allemagne, j’ai écoulé tout mon stock de larmes jusqu’au moment où j’ai trouvé une nouvelle opportunité de quitter l’Allemagne pour la France.
Installée définitivement à Paris en 2015 après un deuxième stage et avec un premier CDI dans la poche, j’ai pu enfin vivre la vie rêvée d’une pseudo Française (il paraît que je n’ai pas d’accent quand je parle et je suis parfaitement capable de tromper l’ennemi) tout en visitant mon pays natal et ma famille d’outre-Rhin de temps en temps.
Je n’ai jamais senti le mal du pays, un manque ou un déracinement. Au contraire, j’étais chez moi dès la descente à la gare d’Avignon TGV, prête à débuter ma première année Erasmus - une sensation forte sur laquelle je n’arrive guère à poser des mots.
Jusqu’au jour où je suis devenue mère.
Le lien entre la maternité et la nationalité
Pas besoin de plus qu’une séance chez le psy pour comprendre que l’endroit, les traditions, les coutumes et oui, la politique avec lesquels on grandit ont un impact profond sur la maternité.
Comme pour toute femme, la confrontation au monde extérieur après le cocon des premiers jours avec un nouveau né fut surprenante. Chacun a un avis sur tout, parce que “les enfants” paraît être un sujet universel, même pour ceux qui n’en ont pas. Alors, quand on vit entre deux pays, cette confrontation à la vision du monde des autres se double.
J’ai arrêté d'allaiter mon enfant après deux mois de galère. Réaction de ma grande-mère allemande : “Oh, mais pourquoi tu n’as pas assez de lait ?” Réaction de la grand-mère française de mon mari : “Mais pourquoi elle l'allaite ? Elle peut donner le biberon !”. Ou bien la copine allemande qui demande : “Mais pourquoi tu ne prends pas un congé parental où tu seras payée à 80 % de ton salaire et que tu peux aussi le partager avec ton mari ?” - Et ben, parce qu’il y en a pas et je te parle même pas des dix jours ridicules pour les pères (ok, la loi a un peu changé depuis).
Certes, les remarques, conseils, commentaires (inutiles !) tout au long de la parentalité ne sont pas uniquement réservés aux parents multiculturels. Le poison de cette maternité entre deux cultures : la comparaison !
Construire une maternité à son image
Si on a tendance en tant que jeune mère à se comparer avec sa propre mère (ceux qui n’y sont pas confrontés me disent comment ils en ont pu fuir !) et de vouloir arriver à un niveau de perfection rêvée, cet objectif lors d’une comparaison de deux systèmes culturels est encore plus haut sur l’échelle de l’inatteignable.
L’Allemagne m’aurait offert une année complète avec mon bébé en gardant mon poste au chaud et sans mourir de faim, sans journées de travail survécues après seulement 2 heures de sommeil, sans avoir eu seulement la sensation de courir au lieu de vivre ma nouvelle vie de maman.
Le système français m’a permis de retrouver mon rythme d’avant après seulement trois mois (vive les nounous françaises !), sans avoir eu le temps d’être complètement déconnectée du monde réel.
Je ne suis pas partie comme la plupart des parents allemands pour un tour en van au Canada pendant leur fameux congé parental (le mot congé correspond ici un peu plus que dans le contexte du système français), mais j’étais obligée d’intégrer mon enfant dans la vraie vie, dans un quotidien où on atterrit tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre, même comme parent allemand.
J’étais parfaitement persuadée que la vie de “maman version allemande” aurait été plus facile jusqu’à ce que je comprenne que ce n’est pas une question de nationalité. Et lorsqu'on évoque la parentalité, la facilité n’est pas un terme approprié. La façon dont nous vivons notre parentalité ne dépend que de nos pensées, pas du système dans lequel on vit. Accepter sa propre réalité et ne pas courir derrière les images fabriquées par notre cerveau peut être un début du chemin vers la paix.
Ce qui m’a permis de sortir de ce long tunnel de réflexions ? Beaucoup de confiance, s’engager sur son propre chemin, ainsi que transformer en avantage et plaisir tout ce que ces mondes ont à offrir de mieux, ne pas s’approprier bêtement un système dans lequel on ne se retrouve pas (ou plus), se concentrer sur la découverte de nouveaux terrains et l’ouverture d'esprit. Et au final, réaliser les bénéfices de divers regards sur la vie pour celle de notre enfant…